Il se passe ici une authentique révolution. Un Indien, d’autres diraient un natif ou un indigène, est arrivé au pouvoir par les urnes. Comme ils représentent soixante pour cent de la population c’est justice, mais ça ne paraît évident qu’après cette victoire tant attendue, mais si inattendue.
Il a vécu-me dit-on- près d’Oruro, dans une cabane en adobe de l’altiplano.
Il a connu la misère, la faim, le froid glacial. Sur une tribune il est un peu gauche, emprunté, pesant ses mots, comme se demandant ce qu’il fait, là, et pourquoi lui?
Il n’a ni la superbe ni la morgue de nos hommes politiques gonflés de leur propre orgueil d’être des personnages aussi importants, même à la moindre inauguration de chrysanthèmes. Il joue son rôle de symbole avec humilité. C’est un homme du peuple, autant aimé et respecté qu’il est haï par les maîtres du monde Nord-américain.
Pas étonnant, il était le leader des syndicats de producteurs de coca, que le Norte-américano confond avec les syndicats du crime. «Le Ben Laden d’Amérique Latine» prétend Bush. Depuis des milliers d’années les boliviens cultivent la coca, c’est le coupe faim des affamés, et c’est leur culture.
Comme si l’indien des hauts plateaux était responsable du poison que des drogués s’injectent dans les veines, à des milliers de kilomètres. Le coupable c’est toujours l’autre, le sauvage. C’est pourtant bien la Bolivie qui est colonisée par ceux qui en pillent les immenses richesses, contre du Coca-cola, des O.G.M. et Dieu. Les sectes de tout poil qui prônent ouvertement l’assassinat du «Diable» Evo Morales prolifèrent à chaque coin de rue, comme en Afrique.
Evo le syndicaliste est devenu Président mais tout est à faire, les marges sont extrêmement étroites, et tout le monde veut tout, tout de suite.
Ils ont tant attendu et la misère est immense. Un mois à peine après son élection les tensions montent, les contradictions s’aiguisent, la souffrance subie dans la résignation se transforme en colère. Mais il y a de l’espoir aussi et une confiance raisonnée. Il va falloir donner du temps au temps, beaucoup de temps. Une seule chose est sûre, le temps des marionnettes est passé.